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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 10:54

A l'occasion du 50 ème anniversaire de notre départ d'Algérie, le journal local de Villefranche de Rouergue (Aveyron) a donné la parole à des pieds-noirs de la région ayant vécu ces évènements. Notre Amie Edith DUBOSQ - ANDRA a été sélectionnée pour que son article soit publié.

  

SOUVENIRS DE LA BAS.

 

C’est à seize ans que j’ai quitté mon pays natal. Je suis ce qu’on appelle une « pieds noirs » sans savoir exactement la signification de ces mots. Mes arrières grands parents paternels venus de Vendée sont arrivés en 1860. Mes grands parents maternels, immigrés espagnols, en 1928. Chacun suivant sa route afin de se fonder un avenir dans un pays où tout était à faire.

 

C’était des personnes de condition modeste, ma grand-mère maternelle était brodeuse, mon grand père ouvrier maçon. Mes grands parents paternels se sont unis dans un petit village appelé Oued El Alleug au beau milieu de la plaine de la Mitidja. Elle travaillait dans les fermes et chez les notables où elle faisait le ménage et lui était au service de la Mairie. Il contribuait à l’assainissement des marécages qui constituaient la Mitidja.

Mes parents se sont rencontrés à Hussein Dey et se sont mariés en Avril 1945.

Je suis née en 1946 et mon frère en 1948, nous habitions 10, rue Parnet à Hussein Dey.

 

 Web andra 11

  Les parents d'Edith en tandem. 

 

 Mon père était ouvrier métallier aux Ets Blachère et ma mère vendeuse dans une grande mercerie : Chez Mercadal. Au fil des années, mon père progressa dans le métier et passa successivement au poste de bureau d’études et à celui de responsable d’atelier, il avait beaucoup d’ambition et décida d’entrer dans une autre entreprise la DAMIA qui fabriquait des bennes sur les camions, il a beaucoup apprit et se passionna pour ce nouveau travail.

Je passais le plus clair de mon temps entre mes grands parents, mes tantes et mes oncles, puisque nous habitions tous Hussein Dey. Tous ces bons moments restent gravés au fond de mon cœur.

Mes parents avaient décidé que j’apprendrais la musique, il faut dire que mon père avait un petit orchestre et le samedi soir il animait les mariages et les bals, il jouait du saxo et ma mère chantait.

Ils me faisaient donner des cours de piano. A l’âge de six ans je commençais chez un professeur particulier et c’est quatre ans plus tard qu’ils m’inscrivaient aux Beau Arts à Alger. Cela devenait plus sérieux et plus difficile, en fin d’année il y avait un examen qui permettait de passer dans la classe suivante.

Je n’avais pas trop de temps pour trainer dehors d’ailleurs à l’époque mes parents ne me permettaient pas de sortir seule, c’était comme ça là bas.

 

Le dimanche nous allions à la mer à Fort de l’eau, ou à Sidi Ferruch. Sur ces belles plages de sable fin, le soleil était brulant mais il y avait toujours ce petit air marin qui permettait de supporter la chaleur .La mer était limpide et le ciel d’un bleu éclatant. Le soir, nous allions dans un petit café boire un apéritif accompagné de « Kémia » (olives, cacahuètes, tramousses) et nous mangions des brochettes à la viande et des merguez cuites au feu de bois.

Pour Pâques, il était une tradition qui venait certainement d’Espagne, nous préparions un pique nique et nous partions à la plage où dans la forêt d’Eucalyptus, pour « casser la mouna » comme on disait la bas, de belles mounas (grosse brioche) que faisait ma mère et mes tantes. Toute la famille se retrouvait et fêtait l’évènement partageant toutes les bonnes choses que chacun amenait. Le repas se terminait souvent en chansons et en éclats de rire lorsque mes oncles racontaient quelques petites histoires marrantes.

Puis c’était le moment de rentrer car le lendemain tous devaient reprendre le travail.

Que de bons souvenirs !

 

  Web andra 12

Les grands mères, la mère, le frère la petite soeur qui vient de naître, avec Edith devant l'appartement de la rue Parnet à Hussein-dey. 

  

En 1956 mon père ayant acquit un certain savoir décida de s’installer à son compte et de créer sa petite entreprise de construction de bennes sur camions. Il loua un petit atelier dans le quartier de Leveilley à Hussein Dey. Les conditions de travail étaient très précaires mais il arriva à faire sa place.

C’est alors qu’il eu l’opportunité de pouvoir acheter un petit terrain dans une nouvelle zone industrielle qui venait d’être créer à Oued-Smar près de Maison Carrée. Il s’endetta pour bâtir son atelier.

 

Nous avions déjà une petite maison dans le lotissement de Beaulieu, qui n’était pas complètement achevée. Le gros œuvre avait été fait par une entreprise de maçonnerie et mes parents aidés par mon grand père y travaillaient tous les weekends end et les jours de repos.

 Je revois encore ma mère faire le béton et peindre les différentes pièces de la maison. Elle était très vaillante et courageuse, elle épaulait mon père dans tout ce qu’il entreprenait. Elle a 88 ans aujourd’hui. Hélas mon père est décédé en 2003.

Je n’oublierai jamais les parfums qui envahissaient notre petit jardin, le jasmin, le bougainvillier et le petit citronnier qui donnait de beaux citrons, enfin un ou deux juste pour le plaisir de les cueillir.

En 1958 à la naissance de ma sœur, nous quittions Hussein Dey pour aller habiter dans notre nouvelle maison.

Les « évènements » tragiques que nous connaissions font perdre confiance à mon père, il n’a plus ce bel espoir en l’avenir et en même temps il ne voudrait pas quitter l’Algérie. Nous sommes tous y nés.

Cependant, nous vivions dans la terreur, chaque nuit nous étions réveillés par des explosions et quand nous regardions par la fenêtre, nous apercevions les flammes d’une maison qui brûlait.

A n’importe quel moment dans la journée, nous entendions des rafales de mitraillettes qui résonnaient dans les rues et nous avions de plus en plus peur.

 

Aux informations chaque jour, c’était l’horreur que ce soit le FLN ou l’OAS, c’était dramatique. C’était l’année 1960.

La tristesse s’installait dans nos cœurs, nous sentions bien que nous n’aurions pas d’autre choix que de partir.

En mars 1962 nous rentrions en France, mon oncle qui vivait déjà depuis quelques années à Vias petit village de l’Hérault, nous accueillait et nous trouvait un appartement à louer.

 Il n’y avait pas de toilettes et l’eau était au rez- de -chaussé, il fallait la monter au premier étage. Nous étions revenu au moyen âge d’ailleurs le nom de cette vieille maison était « le vieux logis » malgré tout quand même heureux d’être là, en vie.

 Nous avions tout perdu, nos meubles pour la plus part étaient restés là bas faute d’avoir pu les mettre dans un container, comme en disposait certains fonctionnaires.

 Mon piano, qu’un instituteur avait promis de me ramener a du resté sur le quai.

 Le plus difficile à affronter c’était l’accueil des villageois. Ils n’avaient pas une belle image de nous, pour eux nous étions des « colons », ils étaient convaincus que nous avions exploité le peuple algérien et que nous étions rentrés les poches pleines.

   

J’avoue aujourd’hui que je n’ai entendu ce mot « colon » qu’à ce moment là.

C’est dans ce petit village que je rencontrai mon futur mari. Nous nous sommes mariés en 1966 .Mon père ayant toujours le désir de réussir recommença à travailler dans le même métier, son frère lui avança l’argent pour se réinstaller et c’est après beaucoup de travail et d’acharnement qu’il arriva à faire tourner son affaire.

En 1968, encouragé par Mr CAYLA Armand, concessionnaire UNIC (IVECO) il venait installer un atelier à Villefranche de Rouergue, c’est mon mari et moi-même qui sommes venus pour développer cette unité la faire prospérer.

Nous avons été bien acceptés par la population. Poursuivant notre petit bonhomme de chemin Nous avons eu trois enfants qui ont tous travaillé avec nous, ce sont des aveyronnais de naissance et de cœur. Egalement huit petits enfants et sommes heureux parmi eux.

 

Pour ce qui me concerne, j’ai bientôt 66 ans, la nostalgie de mon pays est toujours présente et je crois que ce qui est le plus difficile à supporter c’est de penser que je n’y retournerais jamais.                                                                    

 

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  Edith DUBOSC - ANDRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

T
Bonjour, je pense que vos parents étaient amis avec mon père Gilbert Torro qui a travaillé aux Ets Blachère à Alger et qui a continué à avoir des contacts avec la famille Andra à son retour en France. Merci pour ce témoignage. Nous sommes nés en France et notre père parlait peu de ces années-là.
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O
Chere Mme emouvante votre histoire, je compatis.<br /> je suis egalement d'hussein dey,ma femme, mon pere et mes enfants aussi. j'ai de la chance d y vivre et profiter de l'ambiance de ce beau quartier. je vous invite a visiter Alger, je serais votre hote.<br /> welcom16dz@yahoo.fr
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B
J'ai lu votre article avec immense plaisir. Je me suis permise de le récupérer pour le &quot;déguster&quot;. <br /> Amitiés d'une Koléatienne. <br /> Camille.
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K
Bonjour a vous tous qui êtes nées ou pour certains vecurent une partie de leurs jeunesses en Algerie <br /> Parfois je tombe sur des blogues de Français de ce magnifique pays moi meme je suis nee a Alger et vécue durant 22ans du cote de frais vallon en face le beau fraisier au dessus de bab el oued <br /> Je trouve que votre blogues sont vraiment très bien fait et ce que j'aime dans cela c'est que vous parlez tous de l'Algerie avec Amour et nostalgie un pays que vous avez tant aimées normal je dirai votre terre natale ce que je ne comprend pas il me semble que vous parlez tellement bien de l'Algerie et de vos souvenirs et comment notre beau pays était bien entretenu et bien organise que je vous assure vous me faites pleurer a chaque fois que je visite vos pages Alger j'y vais souvens au moins deux ou trois fois par ans si certains voudraient des renseignements ou des photos je me ferai un plaisir de vous les faire une fois que je serai sur Alger
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S
Bonsoir, j'ai été ému par votre article sur Hussein Dey à cette époque. Nous aussi, algériens ou "francais musulmans" comme ils disent, on a aussi mal vécu cette déchirure. On ne s'attendait pas à<br /> une fin aussi terrible. Il faut dire qu'on vivait en parfaite harmonie au champ de manoeuvre avec des francais de toutes origines : juifs, italiens , espagnols, maltais , gitans, etc... et l'OAS a<br /> tout fait basculer et la violence s'est amplifié jusqu'au point de non retour. C'était inévitable. Bref, je ne reviendrai pas là dessus , c'est du passé mais j'ai compris votre tristesse en disant<br /> que vous ne pourrez jamais revoir votre pays natal l'Algérie. Voyez, il y a moins d'une semaine , on a entérré le docteur CHAULET au cimetière francais du Clos Salembier à 82 ans selon sa volonté.<br /> Tout Alger était là. C'est pour vous dire qu'il n'ya plus de haine ni d'agressivité . En ce moment , nous rencontrons énormément de francais d'Algérie qui revienne en pélerinage voir leur ancienne<br /> maison , leur quartier y'en a même qui retrouvent leurs anciens camarades de classe comme si c'était hier. On a tourné une page enfin . Vous etes accueillis à bras ouvert et je n'ai jamais vu mes<br /> compatriotes se mettre en quatre pour des touristes avec autant de gentillesse . Il faut dire que les nouvelles générations maitrisent mal la langue francaise mais le coeur et l'intention y sont et<br /> c'est ce qui compte ! Moi meme j'ai croisé un couple de francais venu de Bretagne, il y a environs deux mois au bas de mon immeuble rue ex-Michelet , le mari né au tournant Rovigo Rampe Vallée. On<br /> a discuté en pleine rue juste 5 minutes sur le trottoir . Ils tenaient absolument à voir la mer et prendre un bain de soleil avant de repartir le lendemain. On a eu l'impression de se connaitre<br /> depuis trés longtemps.On s'est promis de nous rencontrer sur le net et c'est ce qu'on a fait depuis. Je vous souhaite de revoir votre quartier natal , je suis sûr que vous seriez étonné du<br /> changement entre les vieux quartiers que vous avez laissé et les nouvelles constructions à Brossette, à Lafarge et le tramway qui traverse toute la rue qui va du pont Polignac jusqu'au caroubier.<br /> Cordialement.
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S
Merci Edith pour ce savoureux retour en arrière. Vouis nous faites revivre des moments fabuleux de joie ( et aussi tristes malheureusement) passés sur cette terre d'Algérie où nous étions si<br /> heureux ..je vous félicite pour ce texte.avec toutes mes amitiés
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  • : L'Amicale des Enfants d'Hussein-dey a été créée en 1984 pour permettre aux Hussein-déens, repliés en France, après l'indépendance de l'Algérie, de se retrouver et de se réunir afin d'évoquer, dans la bonne humeur et l'amitié, les souvenirs de leur jeunesse.
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  • Hervé MORETTI fils de Marcel MORETTI,   gymnaste à 
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