Jaumet, le Coiffeur de Lafarge

Qui ne connaissait, à Lafarge et plus largement à Hussein-dey, Jacques FERRER dit " Jaumet ", le coiffeur dont le salon « hommes dames » faisait l’angle de la rue de Constantine et du square Lamoricière ?

Son surnom, que les gens prononçaient " djormette ", était en fait le diminutif de Jaume qui signifie Jacques en Catalan. Dans le même ordre d'idée, FERRER voulait dire forgeron, mais lui, ce n'est pas dans le fer qu'il exerçait ses talents mais sur la tête de ses clients.

C'était un homme jovial, généreux, d'une grande gentillesse et d'une extrême serviabilité. Il était le beau frère de Raoul et Lolo Justafré ainsi que de Doudou Mascaro et faisait donc un peu partie de ma famille. C’est chez lui, qu’un jour de l’année 1945, à la veille d’intégrer l’école maternelle de la rue Négrier, je perdis mes anglaises sous les coups de ciseaux de Manuel GUERRA dit " Manolo " son fidèle garçon coiffeur.

Son salon était extrêmement fréquenté. Le Maire d’Hussein-dey, Henri PRINCE, en personne, venait s’y faire coiffer. On y refaisait le monde, comme au café du commerce, ce qui lui permettait d’être au courant de tout ce qui se passait dans le quartier à tel point qu’on le surnommait affectueusement « Le Maire de Lafarge ». Il aimait, le soir, assister aux parties de boules, toujours coiffé de son chapeau et avec son éternelle cigarette aux lèvres.

Les enfants étaient admis au salon, à condition de venir uniquement le jeudi, qui était, à l'époque, le jour sans école, et d'être sages, sous peine de se voir tailler les oreilles en pointe.

 Avant que l'automobile ne se démocratise, " Jaumet " possédait une traction avant CITROEN noire dans laquelle je me rappelle avoir fait quelques tours dans mon enfance. C'est d'ailleurs un accident de voiture, qui, au début des années cinquante, lui causa une invalidité partielle de la main droite, l'obligeant à délaisser la tondeuse mécanique et à embaucher un garçon coiffeur supplémentaire pour le suppléer.

La partie hommes du salon débordait d'activité le soir et le dimanche matin nécessitant la présence permanente de trois garçons coiffeurs, qui, en revanche étaient très peu occupés dans la journée. Il fut donc décidé, à la fin des années cinquante, pour une question de rentabilité, de supprimer la coiffure hommes et d'étendre la partie dames sous la responsabilité de Florence l'épouse de " Jaumet " et de Jeannot son fils aîné.

" Jaumet " encouragea alors " Manolo "  à devenir patron coiffeur à son tour et l'aida dans son installation. Ce dernier ouvrit un salon rue de Lyon à Alger, en face de l'entrée du stade municipal. De mon côté, je décidais de rester fidèle à " Manolo " qui me coiffait depuis ma tendre enfance. J'eu d'ailleurs l'occasion de le revoir, à Paris, dans le milieu des années soixante.

Après l'indépendance de l'Algérie, " Jaumet " s'installa à Béziers. Il y vécut modestement auprès de son épouse très malade depuis son rapatriement. Il devait décédé en 1972, quelques semaines à peine après elle, officiellement de maladie mais plus sûrement de chagrin et de désespoir.

Il repose au cimetière neuf de Béziers, au milieu des siens: son épouse, ses beaux frères et belles soeurs ainsi que mes parents et, mon frère et moi, ne manquons jamais l'occasion, tous les 1er novembre, de faire fleurir leurs tombes.

G.P.