AMICALE DES ENFANTS D'HUSSEIN-DEY
LE BLOG DE L'AEHD
Siège Social : 5 Avenue des Sayettes 64000 PAU
Président Jacques D'ACUNZO
Contact : mh84@laposte.net
Mon quartier, ma rue :
Le « Quartier » c’est ainsi que depuis mon enfance (les années 40) nous désignions entre copains notre terrain de jeux favori : La Rue Laurent SINTES.
De nombreux souvenirs me reviennent en mémoire à son évocation. Pour les Hussein-déens qui connaissaient tous cette rue, sauf peut-être les plus jeunes ou ceux qui ont perdu la mémoire, cette rue se situait entre l’arrêt des CFRA de la Saint-Jean et la station nouvel Ambert, elle débouchait rue de Constantine face à l’entrée des ateliers Durafour, entre le magasin de vêtements Adolphe et la boulangerie Prats et en remontant après un parcours de 300 mètres environ se terminait face à l’entrée de la propriété Ben-Siam.
Pour ceux qui ne pouvaient la situer à l’époque un repère incontournable : Le panneau d’affichage monumental du cinéma moderne avec ses reproductions peintes à la main chaque semaine des artistes du film programmé. Ce panneau se trouvait rue de Constantine sur le trottoir face à l’entrée de la rue.
Cette rue aux activités multiples et variées bordée d’habitations de villas et d’immeubles d’un à quatre étages abritait des familles souvent nombreuses provenant d’horizons divers, migrants de fraîches dates, plus souvent de l’époque héroïque de la deuxième moitié du XIXème siècle. C’est ainsi que vivaient en grande harmonie nos parents, leurs enfants aux noms de familles issus du bassin Méditerranéen : Espagnols, Italiens, Maltais et quelques familles métropolitaines. Tout ce petit monde catholique, juif, musulman ou athée vivait sans discrimination, en symbiose, surtout entre garçons en grand nombre, les filles, elles, restant sur la réserve, nos jeux étant parfois asses brutaux.
La rue Laurent SINTES recélait malgré sa dimension une concentration d’activités diverses, commerciales, culturelles et artisanales dignes d’intérêt. En partant de la rue de Constantine, le magasin de vêtements Adolphe. En face, la boulangerie PRATS que je citerai car, avec elle, outre notre pain quotidien, Mr PRATS acceptait que les familles démunies de four de cuisson lui confient leurs plats de légumes farcis – courgettes – poivrons – aubergines – et plats de patates douces. A l’heure des repas, les enfants munis de torchons allaient récupérer le plat familial dont je garde encore l’odeur, à la sortie du four. Une mention spéciale à ce boulanger qui, pour les fêtes de Pâques, acceptait la cuisson de dizaines de plaques supportant plusieurs mounas (tradition transmise par les familles d’origine espagnole adoptée par toute la communauté).
Un peu plus haut dans la rue, le cinéma Moderne. De moderne, il n’avait que le nom, son propriétaire Mr DAYAN avait adopté une organisation tarifaire particulière pour ses clients. Une première catégorie, tarif le plus bas concernait l’espace très proche de l’écran. Les spectateurs, outre le risque d’avoir un torticolis, subissaient l’humiliation d’être séparés du reste de la salle par une grille à barreaux. La deuxième catégorie, à distance de l’écran, la troisième, un balcon d’une trentaine de fauteuils. Le cinéma autant que je me souvienne devait compter 300 places environ, suffisamment pour animer le quartier pour les 3 séances du dimanche.
Ce cinéma pour ancien qu’il était a contribué à nous faire connaître les films français des années 30 et 40, puis après guerre, les productions italiennes qui avaient la faveur des clientes du quartier et bien sûr après guerre, les productions en technicolor sur grand écran du cinéma américain, westerns, péplums etc…
Une anecdote toute personnelle à propos du cinéma moderne, Mr DAYAN avait passé, après le débarquement allié de 1942, un accord autorisant un jour de la semaine les soldats américains et anglais qui venaient, encadrés, assister à une séance et attendaient en file fumant et discutant, amusés de nous voir essayer de communiquer avec eux. C’est ainsi que j’ai appris les premiers rudiments de la langue de Shakespeare, mais aussi les jurons nombreux et variés des fils de l’oncle Sam…
Face au cinéma, un immeuble d’un étage datant du début du siècle dernier où demeurait au rez-de-chaussée un monsieur âgé : Mr PONS, je crois, qui était rebouteux. Ca m’intriguait beaucoup. Il traitait des entorses des coups de soleil etc…
En remontant la rue, entre deux villas, la menuiserie de Mr BOTELLA dont le bruit de la dégauchisseuse agrémentait le quotidien de la vie du quartier. Je me souviens pour l’avoir souvent vu travailler et confectionner de magnifiques pétrins en bois. J’admirais la qualité de son travail.
Plus haut, un grand immeuble qui avait la particularité de donner sur notre rue et la rue Etienne ce qui facilitait les raccourcis mais n’était pas du goût de la concierge qui nous faisait une chasse sans pitié. Au Rez-de-chaussée, dans un local qui lui était réservé, oeuvrait un vieux sculpteur : Monsieur VIVARELLI qui travaillait en solo et s’était vu confier la réalisation du buste en marbre du gouverneur général de l’Algérie de l’époque : Mr Edmond NAEGELEN. J’appréciais le talent de cet artiste et je lui dois, en partie, l’intérêt que j’ai manifesté plus tard pour la sculpture de la Renaissance italienne et les études effectuées après ma vie active sur l’histoire de l’art.
Mme REMIRO succéda à notre sculpteur en transformant l’atelier d’artiste en magasin pour dames et enfants. La gentillesse et surtout les facilités de paiement qu’elle consentait aux clients du quartier lui garantissait un vif succès.
Toujours au rez-de-chaussée, dans le même immeuble, Mr DUPRAT un artisan cycliste que je voyais remettre en état de vieux vélos de course, qu’il reconstituait allant même jusqu’à fabriquer des rayons pour les roues – système D en temps de guerre. Cet homme avait une grande passion, la chasse aux gibiers d’eaux pour laquelle je l’ai vu fabriquer à partir de petits containers d’avions des embarcations pour la chasse. Là aussi son habileté au chalumeau et le camouflage retenait mon attention. Le local qu’il occupait fut cédé à un épicier.
Face à cet immeuble un peu plus haut au 14, la grosse entreprise des frères VIVARELLI, fils du sculpteur, spécialistes des tombes en marbre. Leur atelier vibrait au son des ponceuses, du sciage des plaques de marbre et celui plus discret des ouvriers sculptant les inscriptions funéraires.
Jouxtant l’atelier VIVARELLI, l’épicerie de Mr SANDRA où pratiquement tout le quartier s’approvisionnait en produits divers, là aussi, je revois Thérèse, la femme de l’épicier s’affairant à son comptoir et marquant sur un cahier le crédit qu’elle consentait à ses clients. Mr SANDRA, lui passionné de chasse déléguait beaucoup à son épouse et dès qu’il le pouvait, prenait son chien, son fusil et sa voiture, la seule du quartier, une Salmson si mes souvenirs sont bons pour aller chasser aux environs d’Alger.
La rue Laurent Sintès en 1988.
C’est à partir du N°16, avec les immeubles 18 et 20 et l’immeuble en face, que résidait la majeure partie des habitants du quartier. Les appartements n’étaient pas très grands, 2 à 3 pièces, mais chaque famille avait 2 ou 3 enfants ce qui explique que dès que nous le pouvions, nous nous retrouvions pour jouer dans la rue, qui, à l’époque, n’étant pas goudronnée, représentait un excellent terrain de jeux et constituait un excellent observatoire de la vie sociale du quartier.
Face au N°18, la villa du Docteur Roger PUJOL, Médecin du travail, recevant tous les jours des éclopés de toutes sortes, ce docteur était Homéopathe « terme mystérieux dont j’ai compris la signification beaucoup plus tard ».
Un souvenir historique attaché au N°20, le bureau de Mr TOUCHET Ingénieur électricien qui travaillait en association avec René SINTES gloire locale du Foot qui suscitait l’admiration des garçons du quartier, tous amateurs de foot. René SINTES fut un des rares joueurs à avoir fait une carrière de Pro en métropole au Havre. Il mit son talent, à son retour en Algérie, au service de l’OHD qui apprécia ses qualités d’entraineur.
En remontant encore la rue, nous arrivons à l’hôtel DUQUESNE, une maison meublée où nous avons vu défiler quantité de personnes, la plupart des métropolitains venant travailler temporairement en Algérie.
Près de l’hôtel DUQUESNE, l’agence de l’EGA (électricité et gaz d’Algérie) tenue par Mr BARBE et la villa de Mr ROUMENGAS, un métropolitain à grosse moustache grise qui s’exprimait avec un fort accent du Sud Ouest. Il ne sortait jamais sans son casque colonial.
Face à la villa de notre truculent voisin, l’usine de Mr BOISDRON, spécialisé dans le traitement du Liège qui arrivait brut des forêts de chêne Liège de Kabylie. Celui-ci était découpé, poncé pour les parties les plus rugueuses et conditionné en colis cerclés avant expédition. A noter que cette mini usine était connue sous le nom de « Bouchonnerie », mais sauf erreur, je n’ai jamais vu un seul bouchon en sortir…
Nous voici au bout de notre quartier, rue Parnet, face à nous la propriété Ben-Siam qui fut souvent l’objet de nos incursions, en particulier dans l’allée bordée de grands arbres de l’entrée de la propriété. Leurs branches enchevêtrées, nous permettaient de nous prendre pour des « Tarzan » en grimpant à leur sommet et en passant d’arbre en arbre au grand dam du propriétaire.
Ces souvenirs de ma rue portent surtout sur les activités qui la rendaient si vivante et permit à beaucoup d’entre nous de s’éveiller au monde des adultes et du travail.
Je pense que ces évocations, hélas fort incomplètes, gagneraient à être étoffées par tous les souvenirs sur nos jeux et notre vie sociale pendant cette époque qui connut la 2ème Guerre Mondiale.
Roger SINTES
Remerciements à Rémy CARRIERE - MONJEON pour la fourniture de ces documents.
Remerciements à Rémy CARRIERE - MONJEON pour la fourniture de ces documents.
Bien que prise dans les premières années suivant l'indépendance de l'Algérie, d'un appartement de l'immeuble Pernod, rue Polignac, cette photo nous montre encore une ville conforme à celle que nous avons quittée, avec en premier plan le quartier Lafarge.
A gauche de la rue de Constantine, on distingue successivement : Le centre d'apprentissage de Lafarge - le café Pastor - le champ de boules - les 4 immeubles donnant sur le square Lamoricière - le square - les maisons basses abritant les différents commerces : Florit le boulanger, Cerbah le café maure, Pons le marchand de meubles, Ferrer l'épicier, le café Macone, et enfin l'immeuble Randavel aujourd'hui détruit pour faire place à une rocade.
A droite : L'usine Brossette - les maisons basses des rues : docteur Payn, Lamoricière, Négrier, Marchand, commandant Baratier - la caserne Helle - l'école de police - l'école Jules ferry - le foyer municipal.
Au début des années 1950, Deux sociétés disposait du monopole des transports urbains pour Alger et sa proche banlieue.
Les C.F.R.A. (Chemin de Fer sur Route d'Algérie), au matériel de couleur marron grenat qui desservait de Maison-Carrée à la Pointe Pescade, en traversant Alger par les boulevards surplombant le port.
La Société des Tramways Algérois (T.A), au matériel de couleur vert foncé, qui desservait principalement les hauteurs d'Alger, El Biar et Notre Dame d'Afrique.
Les deux sociétés étaient équipés de : tramways, autobus et trolleybus. Progressivement, en raison de l'augmentation de la circulation automobile, et comme dans beaucoup de villes en France, les tramways furent définitivement supprimés.
En 1955, les C.F.R.A. se transformèrent en R.D.T.A. (Régie Départementale des Transports Algérois), en troquant leurs anciennes couleurs pour du bleu ciel.
En 1959, T.A. et R.D.T.A. fusionnèrent pour donner naissance à la R.S.T.A. (Régie Syndicale des Transports Algérois) et adopter la couleur bleu ciel.
Les principaux dépôts des transports Algérois étaient : Yusuf - Musset - Chateauneuf et surtout celui du Caroubier à Hussein-dey, le plus grand de tous.
Depuis le 4 juillet 2010